Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 21:11

 

Thème de la soirée : au fil de l’eau
Mots clés du public : ampoule, fleur, champignons

Billot de bois est éleveur de source. Au sommet de la montagne il regarde l’horizon où le fleuve se jette dans la mer écumante. Quand le soleil s’est couché sur l’horizon, Billot est seul dans la nuit obscure et se réchauffe auprès d’une ampoule jaune dans le fond de sa cabane. Billot de Bois est amoureux de Dame passerelle qui habite un peu plus bas dans la plaine. Il lui écrit des mots d’amour en lettre de fleur. Pétale d’Edelweiss blanc comme la neige, zeste d’Arnica et feuilles de millepertuis qui descendent en filets délicats et subtils le long de la rivière pour Dame passerelle. Hélas, Œil de cuistre, le monstre veille. L’hideux est couvert de champignons, il sent le ranci. Il passe son temps à cracher dans l’eau pure et cristalline qui descend de la montagne. Ses crachats tourbillonnent dans l’eau, se transforment en filets marron qui charrient leurs alluvions. Il lance ses morceaux d’ongle qui ricochent sur l’eau, et qui emportent par le fond pétales et feuilles. En bas, Dame Passerelle ne reconnaît plus les mots d’amour de Billot de Bois. Devant tant d’immondices charriées par le courant, « M’aime-t-il toujours ? » se plaint-elle à la truite grasse et vermeille qui aime à remonter les cours. « Vos mots d’amour ne sont que chariots de boue. » explique-t-elle là-haut à l’infortuné… Lui qui raconte encore et encore le chagrin de Dame Passerelle.

Voilà que Billot de Bois cueille frénétiquement le Jasmin, le calendula et le millepertuis. Voilà qu’il les presse entre deux billots, une vraie meule. Couvert d’ampoules, épuisé par l’urgent labeur de tous les jours, voilà qu’il jette l’huile dans la rivière. Œil de Cuistre dans la pente crache dans l’eau, mais ces crachats ne tourbillonnent plus dans l’eau. Œil de Cuistre lance ses ongles sales et crasseux au ras de l’eau et ils ne ricochent pas. Ils finissent par couler comme de vulgaires cailloux inertes. Alors un jour, Œil de Cuistre s’en va, las de ne pouvoir plus répandre dans l’eau transparente ses ordures suintantes. On dit qu’il s’est enfui dans le lointain pays de Niagara. Tandis que Billot-de-Bois peut reprendre ses mots d’amour : moins d’huile et plus de fleurs. Il ne reste désormais au fond de l’eau que quelques cailloux malencontreux qui font des rapides et transforment les mots doux multicolores en arc-en ciel. Ainsi, mesdames et messieurs, lorsque vous regarderez dans la direction de la mer, vous y verrez une mer d’huile. Vous penserez alors à Billot de Bois et à toute l’huile qu’il a dû livrer à la source pour faire fuir Œil de Cuistre et pour que la source retrouve son éclat de cristal et lui rende les mots d’amour qu’il écrivait à dame Passerelle.

Contes à l’Oreille – janvier 2007 -

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : L'Emporte-Texte
  • : Ce blog animé par Christophe Tournier, auteur du manuel d'impro, est consacré à la poésie écrite à l'emporte-pièce, à l'écriture improvisée, au miracle de la langue sur le bout de la langue, à l'amour des mots... Il s'intéresse au processus d'écriture et de création, aux mots scandés. L'improvisation est son credo. Il se veut laboratoire d'oralité pour son auteur et atelier d'écriture. Exercices de scansion et de déclamation, premiers jets, polissages et écriture classique.
  • Contact

Bienvenue

Recherche

Pages